Taon Purulent tentait vaguement de dormir. La première vague de réfugiers était passée (une centaine, tout au plus, dont la moitié composée de paysans venus de l'extérieur et l'autre de pauvres bougres dont la demeure avait été détruite par le chute des remparts) et tous avaient été disposés dans des lits de foin confortables. Taon Purulent, dérogeant à sa paresse habituelle, avait décoché un sourire pourri à chaque arrivant,son haleine infecte formant dans les vapeurs de sa sudation des phrases de bienvenue :
"bonjour" "allez vous rassasier" "prenez donc un thaie" "votre femme a le derrière fort rebondis, c'est signe d'exercice et de grand air"...
Bref, chacun avait trouvé à la Forteresse un abri de fortune, mais qui ne manquait pas de confort.
Par déformation professionnelle, Taon Purulent avait donné à chacun un livre. Un roman à l'eau de rose pour les femmes ; un des livres interdits que Sarwal avait découvert dans les caves pour les hommes. L'atmosphère s'était dès lors allégée.
Des citoyens venaient tout au long du jour faire la queue pour avoir un peu d'eau. C'étaient des représentants de la couche sociale la plus pauvre, ceux qui n'avaient pas de puit privé et plus accès à l'eau des canaux -par peur d'un empoisonnement des sources et du fleuve par l'ennemi.
Taon Purulent soupirait d'aise, assis sur son siège de recéptionniste, et le vrombissement du nuage de mouches qui le suivait perpétuellement le berçait doucement.